Au-delà de son appellation à la consonance relativement coquette, et des jolies couleurs qui le subliment aujourd’hui, le Chemin des Dames constitue aujourd’hui l’un des témoignages les plus sombres de notre histoire.
Plus qu’un simple chemin, cette ligne de crête entre les vallées de l’Aisne et de l’Ailette a été le coeur de l’une des plus grandes batailles de la Première Guerre Mondiale et vu s’effondrer près de 350 000 victimes…
J’avais envie de Voir, de mieux Savoir, d’Imaginer ce que tant ont voulu Oublier. Curiosité malsaine ou simple intérêt pour l’Histoire et ses méandres? La frontière est parfois mince lorsqu’on s’aventure aussi profondément dans un quotidien… Un quotidien ici menaçant, oppressant, bien au-delà de ce que les images peuvent laisser entendre… Un autre pan de la Première Guerre Mondiale, ajouté à tout ce que j’ai pu lire ou regarder sur le sujet.
Je suis rentrée changée, grandie après avoir de nouveau gravi un échelon de l’échelle de la vie, ou plutôt de l’adaptation à certains de ses rouages…
Je vous propose donc une petite présentation de ma visite et un petit rappel historique des faits…
Ci-dessus la Constellation de la douleur , un ensemble de neuf statues géantes réalisé en hommage aux soldats d’Afrique sub-saharienne tombés sur le front en 1917.
Un nom atypique
L’origine du nom du Chemin des dames est bien antérieure à la Première Guerre Mondiale, et sans aucun rapport avec celle-ci, donc!
La légende veut que la Route Départementale 18 CD, alors chemin peu carrossable, ait hérité de ce pseudonyme suite au passage régulier sur ses terres des filles de Louis XV, les Dames Adélaïde et Victoire, pour gagner le château de la Bove près de Bouconville. (En réalité, nous avons appris lors de notre visite qu’elles n’y auraient circulé qu’une fois, mais le mythe est resté!)
La place du Chemin des Dames durant la Première Guerre Mondiale
A son extrémité est, cet étroit plateau du Soissonnais constitue un promontoire naturel qui domine la plaine entre Laon et Reims, et donc une position idéale pour quiconque s’en emparerait.
Repéré dès l’Antiquité, cet intérêt stratégique est évidemment mis en exergue lors de la Première Guerre Mondiale dans la Picardie occupée et en proie aux combats…
Après la bataille de la Marne, les Allemands s’accrochent ainsi à ces hauteurs et celles de la Marne pour repousser les attaques françaises et britanniques, et s’enterrent dans des tranchées ou des abris déjà existants, telle que la Caverne du Dragon -aujourd’hui reconvertie en musée- que je vous présenterai brièvement au bas de mon article…
Décidée par Nivelle, l’offensive française sur le Chemin des Dames le replace au coeur des événements militaires. En décidant d’attaquer le 16 avril entre Soissons et Reims, le général Nivelle compte sur la surprise pour remporter une victoire décisive… Mais son échec provoque une crise de confiance sans précédent dans l’armée où se développent des mutineries, d’abord entre Soissons et Reims, puis à l’ouest jusqu’au front de Lorraine.
Une partie des événements est retracée le long de la route par des panneaux informatifs, mais une revue complète et détaillée est proposée dans la caverne du dragon.
Une vue imprenable sur les environs…
Devoir de mémoire
Comme hanté à jamais par les fantômes de Poilus et de soldats allemands qui y ont perdu la vie, le Chemin des Dames constitue désormais comme Verdun, donc je vous avais parlé ici, une véritable immersion dans l’atrocité de cette guerre sans merci qui a impliqué d’une manière ou d’une autre des millions d’hommes et de femmes partout dans le monde, civils ou soldats… Prenez le temps d’y plonger dans le passé pour comprendre l’horreur née de rivalités…
Une leçon d’histoire, un rappel, un avertissement: n’oubliez pas les ravages des animosités …
Un mémorial à ciel ouvert
Tout au long de cette route de crête, bénéficiant d’un panorama exceptionnel, on rencontre tour à tour différents sites marqués pour toujours par la Grande Guerre : vestiges de tranchées, monuments commémoratifs, églises, cimetières, villages détruits et reconstruits, croix; et l’on se sent submergé par l’émotion…
Certains parcourent ces différents espaces en vélo pour prendre le temps de les appréhender et de s’immerger dans l’atmosphère particulière qui y règne, mais nous n’habitons pas tout à fait à côté et ne pouvions pas vraiment remorquer les nôtres, aussi nous sommes nous contentés de le longer en voiture… L’émotion n’en est pas moins au rendez-vous…
La Caverne du Dragon
La caverne est une carrière souterraine creusée au Moyen Âge dans le calcaire du plateau du Chemin des Dames, convoitée et investie dès l’année 1915 par les troupes allemandes pour sa position en rebord de plateau et le panorama qu’elle offre sur la vallée de l’Aisne.
Très vite, la grotte prend des airs de caserne souterraine avec postes de tirs et de commandement, dortoirs, puits, poste de secours, réseau électrique, chapelle…
La présence d’armes aux sept entrées prêtes à cracher le feu tel le dragon à sept têtes inspire aux allemands ce surnom de « caverne du dragon« .
Dès 1917, soldats français et allemands « cohabitent » dans cet espace restreint qu’ils se disputent ardemment… Attaques et contre-attaques se succèdent alors.
Si la paix est officiellement édictée le 11 novembre 1918 avec la signature de l’armistice, qu’en est-il de l’autre Paix? Celle de l’esprit des Poilus?
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Aujourd’hui, la caverne a été transformée en espace muséographique. Sa visite permet de revenir sur son histoire et sur la vie quotidienne des soldats pendant la guerre, à l’aide d’animations sonores, d’images d’archives et d’objets exposés, (ex: des douilles sculptées).
La visite est également plus qu’émouvante et permet de percevoir l’espace de quelques instants, au coeur de cette grotte glacée, sombre et humide, une infime partie de l’Enfer vécu par les soldats… Un moment fort, chargé d’angoisse, que nous ne pourrons jamais oublier…
Pour visiter le chemin des Dames /la caverne du Dragon:
Depuis Paris, A1 ou A26 en direction de Lille, puis RN2 vers Soissons, puis Laon, prendre la RD18 (Chemin des Dames). (environ 1h45)
Pour les picards: à environ 1h de Saint-Quentin, 25min de Laon, 30min de Soissons, 1h30 d’Amiens
4 Commentaires
Il faut que j’arrive à organiser une sortie avec mes enfants sur un des terrains opérationnels de la 1ère GM. Je reste très profondément marquée par une visite faite autour de Verdun, et en particulier au fort de Douaumont…
En fait, je me rends compte que ce soit vers chez mes parents (« mur de l’Atlantique », plages du débarquement ou bataille de Normandie ont eu lieu à peu de distance..) ou vers chez moi (Vercors), nous sommes facilement allés sur des lieux de la 2e GM… Alors que les lieux relatifs à la 1ère GM sont loin…
J’avais moi aussi été très marquée par ma visite de Verdun, j’en avais parlé ici, je ne sais pas si tu te rappelles… Le lieu est très marquant car tout est en « état »… C’est l’inverse pour moi, je connais bien plus les lieux de la ère GM puisque la Picardie a été le théâtre de maints combats, ma ville elle-même a été occupée et détruite à 80%…
Férue d’histoire, je déteste cette période (parce qu’elle est trop contemporaine surtout). C’est donc le genre de visite que j’aime découvrir à travers la blogosphère, mais que je détesterai faire en vrai. « Curiosité malsaine ou simple intérêt pour l’Histoire et ses méandres ? » : cette phrase reflète tellement mon ressenti vis-à-vis de tous ces lieux de mémoires.. Ceci étant dit, merci pour ce témoignage. L’endroit est beau, et on a du mal à imaginer toutes les horreurs qui se sont passées dans ces champs aujourd’hui fleuris.. xx
A la fac, j’étais passionnée par l’histoire contemporaine, c’était d’ailleurs ma spécialité (on avait des modules en plus)! 🙂 Mais je comprends ton point de vue^^
« Curiosité malsaine ou simple intérêt pour l’Histoire et ses méandres ? » : C’est tout un débat, qu’on en vient à se poser parfois quand on voit des touristes se photographier dans certains lieux marqués par des horreurs…